Les études fleurissent sur le sujet de la perte de sens au Travail…alors au lieu de les décrypter et de chercher à ajouter des chiffres à des chiffres, je préfère vous parler ici de constatations sociologiques que Nicolas MASSON et moi pouvons faire pendant nos interventions et accompagnements au sein de SystOrga.

Certains diront que ces éléments ne sont pas représentatifs ou encore qu’ils sont exposés à un grand nombre de biais cognitifs.

Je l’admets…Pour autant, même si cette « étude de cas » ne décrit pas une vérité en soi, je pense qu’elle invite à une réflexion qui ne peut qu’être bénéfique pour toutes les Organisations et les décideurs qui souhaitent anticiper les évolutions majeures qui sont en cours aujourd’hui.

Nous avons constaté un phénomène grandissant depuis quelques années et qui a changé de niveau depuis la crise sanitaire et ses répercussions multiples sur le monde du Travail.

Alors voilà, je ne vais pas faire de longues tirades sur le sujet mais plutôt vous livrer ici des constats basés sur des témoignages évidemment anonymisés de personnes que nous avons la chance de pouvoir accompagner en toute confidentialité à la demande de leur employeur ou à titre individuel.

Ces témoignages sont ceux de personnes qui ont quitté des postes de Direction élevés (membre de Comité de Direction, Direction Générale) obtenus pourtant il y a peu de temps à l’échelle d’un parcours professionnel (entre 12 et 24 mois).

Ces personnes ont les traits communs suivants :

–       Elles sont très engagées dans le bien commun et la réussite de la personne morale qui les emploie,

–       Elles aiment profondément l’Humain au Travail et endosse avec plaisir le rôle de manager,

–       Elles sont toujours présentes. Elles ne prennent que rarement un arrêt maladie voire ne posent pas la totalité de leurs congés payés,

–       Elles sont très appréciées par leurs collègues et collaborateurs,

–       Elles sont fortement responsabilisées sur des sujets stratégiques,

–       Elles sont orientées résultats et sont efficaces.

Et enfin, ce qui nous amène à parler de sens au Travail :

–       Elles sont motivées intrinsèquement par la vocation initiale à laquelle elles ont adhérées au moment de prendre leur fonction.

Leur histoire peut se résumer ainsi :

–       Elles ont régulièrement recherché du sens dans leur carrière et ont donc provoqué des changements importants à leur initiative,

–       Elles ont très rapidement convaincu et enthousiasmé les meilleurs recruteurs

–       Elles ont pris des postes avec une ambition stratégique et collective très importante.

Ce sont des personnes qui ont un profil de leader assez complet car, en faisant référence à la définition que l’Analyse Transactionnelle en fait, nous repérons chez elles les qualités essentielles d’un manager :

–       Un Leadership effectif car très rapidement elles connaissent le métier et les bonnes pratiques qui donnent du résultat,

–       Un Leadership Responsable car elles endossent le rôle de représenter et de défendre le collectif si nécessaire y compris dans des situations de crise,

–       Un Leadership psychologique car elles mettent rapidement les personnes dans des conditions qui apportent la sécurité psychologique et de bonnes relations interpersonnelles. Ainsi, à leur image, leur équipe est fortement engagée.

Tout au long de leur carrière, elles se sont « pliées en quatre » pour, à la fois, répondre aux exigences de leur employeur et prendre en compte les contraintes individuelles et humaines qui surviennent de manière inéluctable au Travail.

Mais depuis deux ans, cela a changé et des tensions ont progressivement détérioré leur relation avec leur Direction. Cet état de fait à plusieurs origines mais qui sont les mêmes pour l’ensemble de ces personnes :

–       Elles ont « signé » pour un projet qui avait beaucoup de sens mais les promesses ne sont pas au rendez-vous avec progressivement une raison d’être sur le papier qui est rattrapée par des contraintes économiques à court terme,

–       Elle se sont engagé personnellement et, se sentant trahies, elles ne peuvent à leur tour trahir les membres de leur équipe,

–       L’incongruence entre le contrat de départ et la réalité leur est insupportable et elles ne peuvent cacher cela à leur équipe,

–       Leur équipe se désengage également progressivement générant tensions, conflits, désengagements voire départs.

Les personnes concernées et qui ont accepté de témoigner sur leur situation finissent toutes par quitter leur fonction car elles sont en conflit de valeurs.

Nous constatons une accélération des prises de décisions dans tous les cas avec des personnes qui n’hésitent plus à privilégier leurs valeurs, leur santé mentale et leur vie sociale.

Ce conflit intérieur pourrait être résumé ainsi : il n’y a plus d’alignement entre les valeurs que ces personnes défendent et les actes que l’on leur demande d’accomplir dans l’Organisation.

Le film « Un autre monde » actuellement dans les salles l’illustre parfaitement…

Alors les questions que cela nous amène :

–       Quand la DARES investira dans une mise à jour de la seule étude officielle (2016) sur l’exposition aux conflits de valeurs au Travail ?

–       A quoi bon attirer de tels talents si l’Organisation n’a pas les moyens de répondre sur le long terme à leurs aspirations ?

–       Comment utiliser les outils actuels comme la QVT, la RSE, les entreprises à missions, la compatibilité extra-financière pour réellement répondre aux besoins de ces personnes de valeurs ?

Je conclurais cet article en faisant référence à la rupture économique qui est en cours.

Celle-ci nous fait progressivement passer d’une économie de masse basée sur les économies d’échelle à une économie de la connaissance basée sur l’excellence.

Les Organisations n’ont-elles pas intérêt comme jamais auparavant, dans un tel contexte, à (Ré)Concilier l’Humain et le Travail ?